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Age of Content : Une plongée dérangeante dans l’ère du contenu

Age of Content : Une plongée dérangeante dans l’ère du contenu

Le Théâtre National de Bonlieu, à Annecy, a récemment accueilli Age of Content, une création de La Horde en collaboration avec le Ballet National de Marseille. Un spectacle qui, derrière son esthétique percutante et sa mise en scène post-apocalyptique, interroge notre rapport au flux incessant d’images et de contenus numériques.

Une scénographie saisissante

Dès les premières minutes, l’univers visuel du spectacle frappe par sa froideur. Le décor, évoquant un monde post-industriel où le vivant semble relégué à l’arrière-plan, sert d’écrin à une quinzaine de danseurs évoluant avec une précision quasi mécanique. L’ambiance est sombre, sinistre, et pourtant fascinante.

Mais ce qui marque immédiatement, c’est l’attitude des danseurs : tous arborent un sourire figé, artificiel, presque grotesque. Une performance troublante qui donne le ton du spectacle. Ce rictus forcé, maintenu tout au long de la représentation, questionne la sincérité des émotions et la mise en scène permanente de soi à laquelle nous sommes confrontés sur les réseaux sociaux.

Un reflet du flux numérique

Age of Content s’inspire directement des tendances émergentes du web, en particulier celles de TikTok. On y retrouve des références explicites à la pop culture, au monde du jeu vidéo, aux mèmes et à cette frénésie du contenu que l’on consomme sans même y prêter attention. La pièce nous plonge dans une succession de tableaux chorégraphiques hypnotiques, à l’image d’un fil d’actualité que l’on ferait défiler sans fin.

Le rythme haletant du spectacle accentue cette sensation d’addiction. Impossible de détourner le regard, et pourtant, lorsque l’on prend du recul, une question nous frappe : que venons-nous de voir ? Cette interrogation fait écho à notre propre consommation de contenu numérique, où l’on se perd parfois dans un flot d’images qui, une fois passées, semblent déjà oubliées. La mécanique des dark patterns propre aux réseaux sociaux est parfaitement retranscrite dans la chorégraphie proposée.

Une critique acérée de la société du spectacle

Au-delà de son esthétique, Age of Content dresse un constat glaçant sur les dérives des réseaux sociaux. Certaines séquences mettent en lumière la violence et l’humiliation banalisées dans le contenu en ligne, notamment dans la représentation du corps féminin. Sans tomber dans le didactisme, le spectacle questionne subtilement la montée de comportements problématiques, alimentés par la quête effrénée de buzz et de viralité.

Certaines scènes, bien que ni pornographiques ni ouvertement provocantes, dégagent une intensité troublante qui pourrait heurter les spectateurs les plus jeunes. On pourrait ainsi recommander ce spectacle à un public averti, à partir de 15 ans.

Un questionnement sur nos pratiques numériques

À travers cette performance immersive, La Horde nous pousse à réfléchir à notre rapport aux images et à la manière dont le numérique façonne nos perceptions. La frontière entre le réel et le virtuel semble s’effacer, nous laissant face à un miroir déformant de nos propres usages.

Age of Content n’est pas simplement un spectacle de danse. C’est une expérience, une claque esthétique et intellectuelle qui ne laisse pas indemne. L’accueil enthousiaste du public et les discussions qui ont suivi en témoignent : ce ballet soulève des questions essentielles sur notre époque.

Mais une interrogation demeure : un tel spectacle peut-il réellement avoir un impact pédagogique, ou ne fait-il que refléter un phénomène sans en modifier les mécanismes ? À chacun d’y apporter sa propre réponse.

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