Raw de Sandrine Lescourant : le hip-hop à l’état brut
Quelle claque ! Quel engagement ! Et quel cadeau ! Au lendemain d’avoir vu Raw de Sandrine Lescourant, je suis encore sous le choc que cette performance m’a provoqué. Présenté en ouverture du Printemps du Hip-Hop, organisé par l’Auditorium de Seynod, Raw m’a littéralement scotché sur place. Raw, c’est la puissance du hip-hop à l’état brut, sans chichi ni blabla. Raw, c’est bien plus qu’un spectacle, c’est une rencontre avec quatre artistes extraordinaires : Dafne Bianchi, Ashley Biscette, Sonia Ivashchenko et Sandrine Lescourant (aussi connue sous le nom de Mufasa).
Retour à la dalle
Début des années 80, grâce au légendaire Sydney et son émission H.I.P. H.O.P, le hip-hop se répand partout et investit en particulier les dalles de banlieue. Les jeunes se rencontrent, se testent, se jugent et se jaugent, et se fédèrent parfois en crew. Chacun vient avec son style, sa danse, son histoire. Il la pose sur la dalle et elle devient le matériau brut qui va façonner l’être. C’est ce qu’il m’a semblé retrouver dans la mise en scène de Raw.
Le décor est réduit à sa plus simple expression, les danseuses évoluent sans costumes, sans fard et surtout sans filtre devant nous. Le public est mis à contribution pour rendre ce spectacle interactif. C’est lui qui détient les cartes du spectacle. Et ce soir-là, en ouverture du festival du Hip-Hop à l’Auditorium de Seynod, c’est Ashley qui a ouvert la danse et qui s’est livrée à nous, entière.
Du brut, du brut et encore du brut
Ashley frappe le sol. J’ai alors le sentiment qu’elle se livre à un Haka. Placé à quelques mètres de la scène, je reçois et perçois toute son énergie. Je la vois habitée comme dans cette célèbre danse rituelle des Maoris. On oublie le style, la technique, et on prend le texte en pleine face. L’enjeu n’est pas de plaire ou de déplaire, mais de poser les mots, de dire les termes et, sûrement, de s’affirmer dans ce milieu. À peine remis de la prestation d’Ashley que Dafné enchaîne avec son histoire. Posée tranquillement sur son tabouret, elle te raconte des choses que tu n’oserais peut-être pas livrer à ton meilleur ami. Là encore, le verbe est fluide et quand les mots ne parviennent pas à raconter, alors le corps prend le relais et enchaîne des mouvements de danse qui viennent naturellement compléter le discours.
Et bien des grammes de finesse
Et bien sûr, tu sais qu’il reste encore Sonya et Mufasa, chacune avec leur histoire, leur style, leur souffrance, leur magie, leur univers. L’émotion est intense. Tu n’oses respirer de peur que ton souffle vienne ébranler cette narration si brutale et pourtant si douce à la fois. Car je n’ai pas entendu d’appel à la vengeance, de discours de haine ou de rejet. Bien au contraire, j’ai entendu et vu la sororité se manifester devant mes yeux. J’ai vu les larmes couler de l’une quand l’autre se raconte et se livre. Ce n’est pas un spectacle, c’est une rencontre. Une rencontre, c’est toujours difficile à raconter. Parce qu’une rencontre, c’est un moment de partage. Et sans trop comprendre pourquoi, tu te retrouves toi aussi dans cet espace à évoluer avec ces quatre femmes. Tu étais venu pour un spectacle et tu fais une rencontre, et tu échanges le plus naturellement du monde avec Dafné, Ashley, Sonya et Mufasa. Tu réalises que ces femmes se sont mises à nues pour pouvoir t’offrir un moment de partage, un moment de danse, un moment d’humanité.
Raw en quelques mots
Oubliez tout ce que vous croyez savoir du Hip-Hop et partez à la rencontre de Dafné, Sonya, Ashley et Mufasa. Savourez le bonheur de cette rencontre. En raison des thèmes abordés je déconseillerai cette performance aux enfants de moins de 10 ans.
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